Le subjonctif - U sughjuntivu


Généralités

Le subjonctif est le mode de l'interprétation et s'emploie pour exprimer :

- ce qui est voulu, souhaité, craint, suggéré ...
- ce qui est probable, incertain ...
- ce qui est réel mais dont on ne veut pas tenir compte.

Le subjonctif possède deux temps simples (présent, imparfait) et deux temps composés (passé, plus-que-parfait).

C'est un mode très utilisé en corse pour plusieurs raisons ; il est utilisé :

dans tous les cas où il l'est en français,
à l'imparfait dans les propositions subordonnées introduites par si 1 là où le français met l'imparfait de l'indicatif,
dans les propositions subordonnées introduites par certains verbes (crede, pinsà, parè, sperà, ...) quand ils incluent une idée de doute ou d'incertitude,
éventuellement à l'imparfait dans les propositions subordonnées introduites par "lors même que", "à condition que", "partout où", ... là où le français met le conditionnel.

1 : Il n'y a pas lieu d'être surpris par cela. Pour dire "Si j'avais de l'argent, j'irai en Chine" l'ancien Français disait "Si j'eusse de l'argent, j'eusse été en Chine" ou encore "Eussé-je de l'argent, je fusse allé en Chine" . Dans "Histoire de la langue française" de J.Chaurand, Ed. PUF "Que sais-je ?" (p.39) :

L'un des temps composés du subjonctif, le plus-que-parfait, devient à partir du XIIIe siècle le temps employé sans risque d'équivoque dans les phrases hypothétiques orientées vers le passé (cf. fr. class. c'eût été). En pareil cas l'ancien français avait hérité du latin un type de phrase en subjonctif pur dont la protase, introduite par se, était suivie du subjonctif imparfait tandis que le même temps était repris dans la principale. Se je le seusce ou trover, je ne l'eusce ore mie a querre (= si je savais où la trouver, je n'aurais pas à la chercher en ce moment ).

Notons enfin que l'imparfait du subjonctif reste très vivant car le corse respecte scrupuleusement la concordance des temps (ce que le français ne fait plus depuis bien longtemps).

Les quatre formes du subjonctif et leur emploi :

Le subjonctif présent
Le subjonctif passé
Le subjonctif imparfait
Le subjonctif plus-que-parfait

Voir aussi les exemples de phrases pour l'emploi du subjonctif .
Voir aussi La concordance des temps.


Propositions subordonnées

Corsu Français
Chjama à Petru, ch'ellu colli. Appelle Pierre, qu'il monte.
Ci vole chè vo mànghjite. Il faut que vous mangiez.
Ùn credu chè vo pòssate cantà. Je ne pense pas que vous puissiez chanter.
Crede chè vo l'àbbiate sbagliatu. Il croit que vous l'avez trompé (mais il n'en est pas sûr). * 1
Mi pare ch'ella sìa ghjusta. Il me semble que c'est juste (mais je ne l'affirmerais pas). * 2
À pattu ch'ellu venissi ! A la condition qu'il viendrait. **
In casu chè tù a sapessi ! Dans le cas où tu le saurais. **

* Dans ce cas, le français emploie l'indicatif !
1 Si la nuance de doute n'existe pas : Crede chè vo l'avete sbagliatu .
2 Si la nuance de doute n'existe pas : Mi pare ch'ella hè ghjusta .
** Dans ce cas, le français emploie le conditionnel !


Propositions exclamatives

Corsu Français
Chè tù crepi ! Que tu crèves !
Cusì sìa ! = ch'ella sìa cusì ! Qu'il en soit ainsi !
U binedisca ! = chè Dìu u binedisca ! Que Dieu le bénisse !

Voir l'impératif.


Le présent

Corsu Français
Ci vole chè tù venghi ! Il faut que tu viennes !
Cèrcanu una donna chì sappia cantà. Ils cherchent une femme qui sache chanter.
Vi chjamaraghju prima chè vo pàrtite. Je vous appellerai avant que vous ne partiez.
Vulemu chè tù dormi. Nous voulons que tu dormes.
Ch'ella sorti ! Qu'elle sorte !
Hè megliu chè no fùghjimu ! Il vaut mieux que nous fuyions !
Ùn pensu micca chè vo sìate in ritardu ! Je ne pense pas que vous soyez en retard !
Ch'ellu sìa malatu mi dispiace. Qu'il soit malade me cause de la peine.
Temu ch'ella morghi. Je crains qu'elle ne meure.
Ch'ellu ùn ci sìa troppu rimore ! Pourvu qu'il n'y ait pas trop de bruit !
Chè vo ùn ne càccete troppu ! Que vous n'en enleviez pas trop !
Aspetta ch'o u cacci ! Attends que je l'enlève !
Ci vole ch'o ci venga più spessu ! Il faut que j'y viennes plus souvent !
Ch'ella ti caschi a lingua ! 1 Que la langue te tombe !
Ch'ella ti càschinu e mani ! 2 Que les mains te tombent !
Ch'ella ùn la sappia mancu l'aria ! 3 Que même l'air n'en sache rien !

1 : pour s'adresser comme une menace (qui peut être gentille) à celui qui parle trop.
2 : idem pour celui qui a volé ou cassé.
3 : pour inviter quelqu'un à se taire, à ne pas dévoiler un secret.


Cas particulier de prononciation

Corsu AP Français
Chè tù sìa cecu ! [kɛtuʃ'aʤ'ɛgu] Que tu sois aveugle !
Chè vo sìate cecu ! [kɛbɔʒ'adɛʤ'ɛgu] Que vous soyez aveugle !

* pour s'adresser comme une menace (qui est gentillette le plus souvent) à celui qui a fait une bêtise.


Concordance des temps

Lorsque le verbe de la proposition subordonnée est au subjonctif présent, celui de la proposition principale est soit au présent soit au futur.

Corsu Français
Verbe principal au futur Ci vularà chè tù venghi. Il faudra que tu viennes.
  Vularà ch'elli sòrtinu. Il voudra qu'ils sortent.
Verbe principal au présent Ùn pensu micca chè vo sìate in ritardu ! Je ne pense pas que vous soyez en retard !
  Mi dispiace ch'ellu sìa malatu. Ca me peine qu'il soit malade.


Le passé (forme composée du présent)

Corsu Français
Ci vole chè tù sìa riintratu stasera ! Il faut que tu sois rentré ce soir !
Mi dispiace chè vo sìate statu malatu. Ca me peine que vous ayez été malade.


L'imparfait

Corsu Français
Ci vulìa chè tù partissi ! Il fallait que tu partisses !
Era megliu chè no' fughjìssimu ! Il valait mieux que nous fuissions !
Mi dispiacìa chè vo' fùssite malatu. Ca me peinait que vous fussiez malade.
Ci vulerìa chè tù partissi ! Il faudrait que tu partisses !
Sarìa megliu chè tù partissi ! Il vaudrait mieux que tu partisses !
Sè tù partissi sùbitu, ghjungjaristi per fà cena ! 1 Si tu partais de suite, tu arriverais pour dîner !
Avissi puru a salute ! Si je pouvais avoir la santé !
Fuss'ella puru ! Si cela pouvait être !
Mi pare ch'ellu cumincessi per trenta ! 2 Il me semble qu'il commence par trente !
Ci vurrìa ch'o scrivissi à u me zìu, ch'ellu mi mandassi un strattu di nàscita !
Il faudrait que j'écrive à mon oncle, qu'il m'envoie un extrait de naissance.
S'o pudissi esse addimessu, sarìa un bell'affare ! 1
Si je pouvais être admis, ce serait une bonne chose !
S'ella bastassi u Dirittu pùbblicu ! 1
Si le droit public suffisait !

1 Avec si, le corse emploie l'imparfait du subjonctif là où le français emploie l'imparfait de l'indicatif.
2 proposition subordonnée introduite par un verbe qui comporte une idée de doute ou d'incertitude.


Le plus-que-parfait

Corsu Français
Ci vulìa chè tù fussi partutu sùbitu ! Il fallait que tu fus parti tout de suite !
Sarìa statu megliu chè no' fùssimu fughjiti ! Il aurait mieux valu que nous eussions fui !
Avarìa travagliatu ancu s'ellu fussi statu malatu. * Il aurait travaillé même s'il avait été malade.
Sè tù fussi partutu sùbitu, saristi ghjuntu per fà cena ! * Si tu étais parti de suite, tu serais arrivé pour dîner !
Avissi puru avutu a salute ! Si j'avais pu avoir la santé !
À chì m' avessi dettu ch'ella ci avìa da piglià l'acqua !
Si on m'avait dit qu'on allait prendre la pluie !
Fuss'ella puru stata ! Si cela avait pu être !

* Dans ce cas, le Corse emploie le plus-que-parfait du subjonctif là où le Français emploie le plus-que-parfait de l'indicatif.